Aymé Bernard
Aymé Bernard naît en 1893, à Tassin-la-Demi-Lune. Son Père, Joseph, fait carrière dans la soierie et adhère au syndicat des fabricants de soierie. Pétrus, frère de Joseph, oncle d'Aymé, est notaire à Lyon. En 1913, il est Président de la Chambre des Notaires et Conseillers Juridiques.
La Première Guerre mondiale a apporté d'importants bouleversements dans la vie de ce début de siècle. Son analyse le conduit à cette évidence : les hommes sont pris dans un engrenage, toutes les actions étant interdépendantes les unes des autres, on ne peut vivre qu'en élaborant des relations de caractère collectif. Dans ce monde en perpétuelle évolution, il faut anticiper les mutations pour qu'elles s'effectuent sans heurts ni violence en sauvegardant les bases de l'organisation économique et sociale. Ceci, c'est le rôle du patronat. Ces notables qui, par leur gestion, orientent la vie de leurs entreprises, par voie de conséquence pèsent sur la vie de leurs salariés et la vie de la cité. Ils doivent prendre l'initiative pour améliorer les conditions de vie de leurs collaborateurs. Ces patrons lyonnais vont s'engager dans une vaste entreprise d'action sociale, et le patronat paternaliste du XIX° va faire place à un patronat social, dans cette période de l'entre deux guerres.
En 1918, un groupe de soyeux, crée et met en place l'AICA : Association Industrielle, Commerciale et Agricole. Leur volonté "s'occuper de tout ce qui rattache à l'action économique de la France". En 1919, Aymé Bernard, est affaibli par la grippe espagnole. Sur l'insistance de son médecin il quitte le barreau. Il remplace provisoirement le premier Directeur de l'AICA. Dès 1920, il présente le rapport moral de l'association. Son intervention très précise et d'une grande clarté, le fera remarquer et le portera à la direction de l'AICA.
En 1920, une première expérience de logements ouvriers est lancée. En 1921, "Le Comité Commun pour l'Hygiène de l'Enfance" voit le jour, toujours à l'initiative de l'AICA. De jeunes médecins, qui deviendront de grands noms de la médecine Lyonnaise adhèrent à l'aventure, citons entre autres la jeune neuropsychiatre infantile Claude Kohler. Cet organisme est devenu aujourd'hui, ce que nous connaissons sous le nom d'ADAPEI.
Toujours en 1920, l'AICA inspire la constitution d'une Caisse Interprofessionnelle d'Allocations Familiales qui met en place un "sur-salaire", une allocation pour charge de famille. En 1926, une allocation maladie est mise en place.
C'est dans ces années-là que se rencontrent Antoine Goiffon et Aymé Bernard, ainsi qu'en témoigne cette dédicace sur un ouvrage publié par Aymé Bernard en 1953 :
"Au Président Goiffon, en souvenir de trente années de cordiale collaboration"
Aymé Bernard – L'Entreprise et ses Hommes – Ed.Berger-Levrault- 1953
Il faut attendre 1928 pour que, s'inspirant du modèle allemand, la loi sur les assurances sociales voit le jour. Elle couvre les risques : vieillesse, invalidité, maladie et maternité, et n'est pas encore obligatoire.
En 1929, Aymé Bernard, entre par mariage dans la famille Streichenberger, négociants en charbons, dont Rodolphe, beau-père d'Aymé est Président de la Chambre Syndicale des Marchands de Charbon en Gros de Lyon.
Dès 1930, il est le principal porte-parole de l'AICA. En 1932, les allocations sont obligatoires pour tout travailleur salarié.
Les initiatives se poursuivent : 1936 Comité de loisirs et un service d'hygiène industriel. En 1939, avec le concours financier de plusieurs industriels, c'est la création de la Médecine du Travail.
En 1936, il participe activement aux accords de Matignon, il est l'un des douze arbitres du camp patronal pour l'exécution de ces accords (semaine de quarante heures, quinze jours de congés payés, augmentation des salaires de sept à quinze pour cent)
En 1937 est créée la Caisse Interprofessionnelle des Cadres sous la présidence d'Antoine Goiffon, on cite l'intervention d'Aymé Bernard. Ils ont respectivement : Président de la Caisse Centrale des Allocations Familiales, et Directeur de la caisse de Compensation de la Région Lyonnaise.
En 1938, Aymé Bernard est reconnu comme le plus brillant orateur du patronat français. Il est très écouté.
Après la Seconde Guerre mondiale, la loi de 1945 regroupant les Allocations familiales, les Assurances sociales et les Allocations Vieillesse sous un même vocable "Sécurité Sociale", l'AICA ne répond plus aux mêmes besoins et en 1983 est remplacée par le GIL (Groupement Interprofessionnel Lyonnais).
En retraite, Aymé Bernard n'est pas inactif, il est administrateur de nombre de grandes entreprises lyonnaises ce qui l'amènera à voyager dans de nombreux pays.
Prophète et visionnaire, en 1953, il dit :
- "…jamais les hommes n'ont eu à leur service tant de force, tant d'engins, tant de moyens pour faire face à la faim et au froid, se vêtir ou se loger, se transporter ou se distraire. Jamais les possibilités de culture intellectuelle et scientifique n'ont été si largement ouvertes. Toutes les conditions du bonheur matériel pourraient être remplies par le plus grand nombre, et cependant…
- …cependant, jamais l'humanité n'a dépensé une telle activité pour préparer sa propre destruction, ni sacrifié à des fins mortelles tant de choses qui pourraient être utiles à la vie, jamais l'effort de l'homme n'a été si vain, puisqu'il n'a jamais connu une pareille inquiétude."
Intellectuel, au sens le plus noble du terme, il a mis au service du développement économique et social de son pays son brillant esprit d'analyse et son remarquable sens de la synthèse pendant toute sa carrière.