IRIGNY

... En survolant
son Histoire. . .

 

«Aucun souvenir n'a subsisté de très lointains ancêtres qui ont pu vivre sur le territoire d'Irigny, avant l'occupation romaine. Dans les premiers siècles de notre ère, il y avait sur les pentes qui dominent le Rhône, sans doute entourées de jardins et de vignes, des "villas" ou maisons de campagne luxueuses, élevées sous la protection des soldats romains et dont les dernières ruines ne disparurent qu'au début du XIXe siècle. Un fragment de monument dressé en l'honneur des Déesses-Mères (remarqué déjà par Claude de Bellièvre, échevin de Lyon en 1528) et dont l'inscription donne l'origine du mot "Ivours", est enclavé dans les murs du Château d'Ivours (1). A l'autre extrémité de la Commune, proche de Charly, le territoire de Nève, par son nom, semble indiquer qu'il y eut là une ancienne source divinisée.

Au cours des premiers siècles, les habitants de notre territoire semblent s'être installés particulièrement entre Ivours et Celettes(2), près du Rhône, le long du chemin qui adoptait les caprices du fleuve, et constituèrent ainsi une bourgade. Après l'effondrement de l'Empire Romain, des invasions barbares passèrent, causant des destructions et des souffrances inouïes à ces gens qui n'étaient pas en mesure de tenir tête à l'adversité. Leur sagesse fut de comprendre leur impuissance. Aussi, entre 1193 et 1226, lorsque l'Archevêque de Lyon, Renaud de Forez, pour la surveillance des intérêts qu'il possédait sur le Rhône, fit construire un château-fort sur le coteau, un nouveau village naquit, en son emplacement actuel. Ce château, avec ses fossés, son enceinte, ses tours massives (deux subsistent encore près de la place publique(3)) représenta, pendant des siècles, une protection très efficace. Son entretien, la garde qu'il y fallait monter, ne furent pas toujours acceptés sans maugréer, sans défaillances, mais tant que la France ne fut pas pacifiée, ses moyens de défense demeurant redoutables, il permit à nos ancêtres une vie plus douce, leur donna plus d'assurance dans l'avenir.

Dans les documents les plus anciens, le village est nommé Irignins. Une hypothèse, que rien n'appuie, a fait attribuer sa fondation à des fidèles ou des disciples de Saint Irénée, martyrisé en 202.

Au début du XIIIe siècle, lors du partage des terres de l'Église de Lyon, Irigny et Oullins furent attribués à l'Archevêque. Vers la même époque, le chapitre de Saint-Just procéda à des acquisitions de terrains dans la paroisse. Ces ecclésiastiques et des laïques également possesseurs du sol se dessaisirent peu à peu de leur droit de propriété moyennant une redevance annuelle. Ainsi un grand nombre de cultivateurs accédèrent-ils à la possession du sol qu'ils travaillaient à leur guise, qu'ils pouvaient vendre ou transmettre à leurs enfants. Mais celui qui tenait le sol continuait à payer chaque année la somme due jusqu'au jour où il se libérait en versant une somme égale à la valeur de la terre. Ce contrat de fief, qui est à la base de l'organisation féodale, fut très pratiqué. C'est ce qui explique, avec la division des héritages, l'extrême morcellement du sol que l'on constate à Irigny comme à Oullins à la fin du XIVe siècle.

La population qui était fixée sur notre territoire, vivait en cultivant la terre (ou en la défrichant), en élevant du bétail : bœufs pour le labour et les charrois, des vaches et des brebis qui aidaient à leur alimentation. Mais à côté de l'agriculture, il y avait déjà une réelle activité industrielle. En effet, sur la petite rivière de la Mouche, on constate, à la date de 1283, la présence d'une blanchisserie et d'un moulin à moudre le blé.

Sur la fin du XIIIe siècle, Philippe le Bel décida de réunir à la France le Lyonnais qui dépendait de l'Église de Lyon. Il réalisa ce projet peu à peu mais avec opiniâtreté. D'abord il contraignit l'archevêque et le chapitre à signer les capitulations de 1307, appelées "les Philippines", traité qui fut très bien accueilli par les Lyonnais (les notables d'Irigny eux-mêmes donnèrent leur adhésion). Mais la résistance des archevêques s'étant révélée de nouveau, plus ouverte et plus violente, une armée française se présenta aux portes de la ville, investit la forteresse de Pierre Scize, descendit la Saône en bateau et fit prisonnier l'Archevêque (1310). Le 20 janvier 1311, le roi confia à son fidèle serviteur Béraud de Mercœur, connétable de Champagne, la garde du pays conquis. Béraud de Mercœur eut ainsi la garde de tous les châteaux-forts et maisons fortes, entre autres celle du château d'Irigny. Il était gouverneur et gardien de ces châteaux aux gages de plus de dix mille livres par an, sans préjudices des dépenses extraordinaires qui devaient lui être remboursées. Béraud de Mercœur répondait des forteresses qu'on lui confiait. Il devait y entretenir d'ailleurs à ses risques et périls les garnisons qu'il jugeait convenable. Le 16 mars 1311, Philippe le Bel en personne fit son entrée dans la ville de Lyon, et le 10 avril 1312, l'Archevêque Pierre de Savoie signa à Vienne l'acte qui consacrait la réunion du Lyonnais à la France.

L'Église de Lyon ne fut pas pour cela dépossédée de ses seigneuries et de ses châteaux. Dès 1318, nous voyons de nobles personnages au Château d'Irigny "faire hommage" à l'Archevêque pour ce qu'ils possèdent. Des actes semblables se renouvelèrent jusqu'en 1361.

Notre province n'ignora pas les malheurs de la Guerre de Cent ans. Après le désastre de Poitiers, et le traité de Brétigny, c'est Aymard de Villeneuve, seigneur d'Ivours, qui fut désigné le premier en otage du roi Jean. Il partit pour Londres (1360) et son frère, qui vint l'y remplacer, mourut pendant sa captivité.

Aux dévastations des Anglais s'ajoutèrent les atroces méfaits des Tards-Venus, soldats mercenaires de tous pays que la paix momentanée rendait sans emploi et dont la troupe au passage se grossissait sans cesse de vagabonds et de malfaiteurs. En 1361, lorsque ces brigands menacèrent Lyon, le chapitre de Saint-Just organisa la défense des châteaux d'Irigny, de Francheville, et de Saint Genis. Il prescrivit aux châtelains d'alentour de proclamer l'alarme et d'ordonner aux habitants de s'enfermer dans les châteaux et forteresses avec leurs provisions. Protégés par les murailles solides de leur château, nos compatriotes ne semblent pas avoir eu à souffrir des Grandes Compagnies, mais ils contribuèrent à payer la rançon que les Tards-Venus exigèrent de la reddition de la ville d'Anse. En effet sur l'état des sommes versées d'alors, les paroissiens d'Oullins sont portés pour XII Frs, ceux d'Irigny pour XXX Frs.

Alors que l'ancien bourg établi vers les Celettes continuait à subsister, le village qui groupait ses maisons autour du château se développait. La vie municipale s'y organisait avec ce goût de l'indépendance et de l'individualisme si particulier à nos ancêtres, en attendant qu'ils aient, sous le nom de Consuls, leurs mandataires officiels et permanents. Ils ne jugèrent pas nécessaire d'élargir l'enceinte des murs, les maisons s'égayèrent aux environs. A la fin du XVe siècle, Irigny comptait 50 feux, (Oullins 20, Brignais 68, Saint Genis-Laval 72).

Quand s'acheva le XVe siècle, on avait oublié les cruelles rigueurs de la Guerre de Cent ans et ce fut la Renaissance.

La maison du Péage construite par un magistrat lyonnais, Pierre Chauvet, avec sa façade intérieure orientée au midi, ses fenêtres à meneaux bien conservées, nous restitue l'élégance et le charme viril de l'architecture de l'époque. Des bourgeois enrichis, des nobles rassemblaient des terres. C'est ainsi que ce constitua le domaine de Montcorin pendant le XVI° siècle et une partie du siècle suivant. Pour achever l'œuvre, Barthélémy Hervart, banquier de Mazarin, qui avait prêté à Louis XIV des sommes considérables, y fit bâtir un château (1646-1648)(4).

La seconde moitié du XVIe siècle ramena des luttes intestines : les guerres de Religions avec leurs atroces excès. Au moment de la Ligue, avant qu'un Temple ne fût élevé à Saint Genis-Laval, les Protestants eurent à Irigny une maison qu'ils utilisaient à cet effet.

A peu près à la même époque, un évènement d'une importance considérable vint modifier la vie du village : la seigneurie passa des mains de l'Archevêque à celles d'un seigneur laïque. En 1577 Pierre d'Épinac, archevêque de Lyon, céda à Maurice de Peyrat la justice haute, moyenne et basse du Château d'Ivours, et qui dépendait de son château d'Irigny. Puis le 31 août 1592, il vendit la terre, la seigneurie d'Irigny et ses droits de justice très étendus à Jehan Croppet (il se réservait néanmoins le château). Cette seigneurie appartint pendant plus de deux siècles à cette famille dont les membres suivants portèrent le titre de Seigneur d'Irigny. A la mort de Jehan, Odet et Jean-Pierre, les deux frères exercèrent les mêmes droits simultanément (la seigneurie étant indivise). Puis les descendants d'Odet se succédèrent de père en fils : Justinien, seigneur de Varissan, Jean-Pierre, Pierre, Jean-Baptiste-Louis et finalement le gendre de celui-ci Joseph Leclerc de la Verpillière, major de la ville de Lyon, qui émigra pendant la Révolution et mourut à Hambourg en 1794.

Mais déjà il est nécessaire de savoir que sous l'ancien régime, l'individu, et surtout les paroisses solidement organisées avec leurs représentants élus par une assemblée publique de tous les habitants, défendent âprement leurs intérêts, ne craignent pas de résister au pouvoir royal, seigneurial ou religieux. Même condamnés par le Grand Conseil de Paris, on les voit payer les amendes avec retard et difficilement. Dans la première moitié du XVe siècle, les habitants d'Irigny sont possesseurs d'un "brotteau", terrain nouvellement formé sur le Rhône, dont ils ont obtenu la cession de l'Archevêque contre redevance et qui devait leur offrir pendant des siècles un lieu de pâturage pour leurs bestiaux, en outre, sur ce vaste terrain "il était possible aux habitants d'Irigny de chasser à arbalètes et chiens courants". Or le déplacement continuel du Rhône modifie l'étendue de leur propriété et les met en compétition constante avec les possesseurs voisins, qu'ils ne semblent pas redouter beaucoup d'ailleurs.

Le 1er février 1636, Humbert de Chaponay se plaint que les habitants d'Irigny envoient paître, sans les garder, leurs bestiaux dans leur brotteau. Ces bêtes n'étant pas surveillées, s'en vont dans les îles appartenant à ce seigneur, et cela "presque journellement, principalement quand la rivière du Rhône est basse, comme elle l'est les trois quarts de l'année, en saison de printemps, été et automne". De plus, les habitants, sous prétexte d'aller chercher leurs bestiaux, passent sur les îles du seigneur de Chaponay, et en rapportent du bois.

En 1676, leur autre voisin, Jacques de Camus, seigneur d'Ivours, proteste parce que les habitants d'Irigny, au lieu de faire une coupe sur leur brotteau, ont commencé le travail sur la partie lui appartenant. Et non content de couper, selon la coutume, les arbres moyens, ils ont abattu les gros arbres par le pied et les ont mis en pièces pour les enlever plus facilement.

Après ces "libertés" prises vis-à-vis des seigneurs, voici quelques exemples de hardiesse en face du Clergé. Les textes nous apprennent qu'au XVIIe siècle les habitants d'Irigny et d'Oullins (alors paroisse annexe d'Irigny) enterrent leurs morts dans l'église, sans avoir auparavant consulté le curé, sans la moindre autorisation, et sans payer aucune redevance. D'autre part les conseillers qui pourvoient aux frais du culte et qui gèrent les biens et les revenus de la Cure, rendent leurs comptes sans inviter le Curé à assister à leur réunion.

Le moins que l'on puisse dire est que ces gens se comportent avec beaucoup d'indépendance.

Il n'y a pas de "budget communal" et cependant les dépenses imprévues, à la charge des habitants, ne les prennent pas au dépourvu : une fois, ils s'en acquittent en vendant une partie des terrains communaux; une autre fois, la somme nécessaire (165 livres) est empruntée à un habitant d'Irigny.

Au XVIIe siècle, les documents plus nombreux nous permettent de mieux voir la vie extérieure à Irigny. Le village a son médecin, entouré de la considération, son "précepteur d'enfants" (à l'école on instruit d'abord les garçons, puis dans la même salle les garçons et les filles), son notaire, etc. et en dehors de l'activité rurale, ses commerçants (parfois même deux marchands bouchers en même temps) ses auberges et ses cabaretiers (à la fin du XVIIIe siècle il y avait un débit de tabac tenu par des demoiselles) ses artisans. De nombreuses propriétés appartenant à des bourgeois, à des nobles (les Broquin, les Particelli, les Builloud seigneur de Celettes, etc.) qui, par leurs dépenses, et leurs rapports avec la population, rendent la vie plus large et plus facile autour d'eux. Malheureusement des épidémies terribles sévissent de temps à autre (la mortalité infantile est très élevée). Des intempéries répétées, des hivers exceptionnellement rigoureux, annulent trop souvent les efforts des paysans, entraine à certaines périodes, sinon la misère, du moins une pauvreté émouvante que l'État, l'Église, la charité publique inlassable, s'efforcent de soulager. D'ailleurs, Irigny a son Hôpital (au sommet de la Cote Berthaud actuelle) et aussi un gîte pour recevoir les pauvres de passage : malheureux véritables ou mendiants professionnels qui voyagent avec femme et enfants.

Le remembrement de la propriété se poursuivit au XVIIe siècle. Benjamin Damette constitua un important domaine avec de vastes dépendances ou "granges" et en 1680 il édifia le château (5) qui porte encore son nom. C'est dans cette agréable résidence d'où l'on voit le Rhône descendre vers la mer, que le Maréchal de Villeroy, gouverneur de Lyon, envoyé en disgrâce, passa quelques jours en octobre 1722, occupant son temps à visiter les maisons de campagne du voisinage.

A la fin du XVIIe siècle, le village avait pris une telle extension que l'ancienne église n'était plus à la mesure de la population. Cette ancienne église dès le Moyen-âge avait occupé dans le bourg une place si considérable que l'on n'imagine pas le village sans elle. Elle fut un lien étroit et naturel entre ses habitants. Après la messe du dimanche ils y entendaient la lecture des Ordonnances de l'Autorité, l'annonce de tout ce qui intéressait la vie locale. L'influence de la Religion – du seul point de vue humain – se traduisait souvent par un véritable esprit de fraternité. Fréquemment, un bourgeois, un noble ou leurs femmes et leurs enfants étaient parrains ou marraines d'un enfant de marchand, d'artisan ou de laboureur d'Irigny; fréquemment avec un semblable esprit social, les mêmes tenaient sur les fonts baptismaux les fils ou les filles des gens à leur service.

L'église primitive semble avoir été attenante au château-fort, on peut la situer plus à l'Ouest que l'église actuelle. Le chemin de la Fond Darmais (ou Fonds d'Ormée) prolongeant la cote de Vinière (6) et desservant la maison forte d'Épinay (à Guillaume de Sarron, châtelain d'Irigny au XIVe siècle) devait aboutir directement à l'ancien sanctuaire (7).

L'église actuelle fut construite de 1689 à 1700. L'adjudication fut faite pour un prix de 10 850 livres, somme qui fut payée en majeure partie par les nobles ou bourgeois exempts de taille (impôt foncier). Seize ans seulement après son achèvement on dut procéder à des réparations importantes. La tour carrée qui compose le corps du clocher était alors simplement recouverte d'un toit ordinaire à quatre pentes au milieu duquel s'élevait une croix de bois. Le dôme qu'une tornade a renversé (1er janvier 1949) n'avait été construit que vers le milieu du XIXe siècle (8).

Au XVIIIe siècle le mot "laboureur", qui indiquait une culture faite à l'aide de bœufs et qui marquait un progrès sur le mot "cultivateur" qu'il avait remplacé, disparait à son tour pour faire place à celui de "vigneron". La division des héritages avait continué le morcellement de la propriété qui est sensible, surtout dans la seconde moitié du siècle (partage de terrains communaux en 1775). Il faut dire qu'une des périodes particulièrement favorable pour le village semble être le règne de Louis XV, pendant lequel à Irigny le nombre de naissances s'élève à un chiffre qu'il n'avait jamais atteint. Et sans doute davantage de sécurité et de tranquillité pour l'avenir. Mais une des questions essentielles qui domina tout l'Ancien Régime, c'est celle des impôts. Bien sûr, ils étaient lourds et nos ancêtres étaient résolus à n'en payer que le moins possible. Pour s'y dérober ils ne craignaient pas de donner l'illusion de la pauvreté. Avec une volonté tenace, ils dissimulaient leurs ressources et leur vie privée nous échappe. La révolution qui va venir réalisera des réformes utiles dans le sens de l'unification de la France et d'une juste répartition de l'impôt. A la pensée que les charges du Pays seront supportées par tous, ces paysans, avec enthousiasme, pensent que leurs impôts seront considérablement diminués. Or il n'en est rien. On les voit à Irigny, pendant la Révolution (à partir de 1791) sans cesse se plaindre d'être surchargés d'une "quotité énorme de contribution" et réclamer d'importants dégrèvements. Cela amène à reconsidérer le rôle social que jouaient ceux qu'on appelle les privilégiés de l'Ancien Régime. Certes, il y avait des abus inadmissibles et intolérables, mais à coté de cela des bénéfices exceptionnels pour le Pays, des services qu'ils étaient sans doute seuls à pouvoir rendre auprès des œuvres charitables, auprès des artistes, des savants, des hommes de lettres, etc. Rappelons qu'après la mort de Madame de la Sablière (6 janvier 1693) c'est Anne d'Hervart, seigneur de Bois le Vicomte et propriétaire du Château de Montcorin, qui a donné l'hospitalité au fabuliste La Fontaine dans son hôtel de Paris, rue Platière. Inoubliable service social !

Et puis il faut dire que c'est dans l'atmosphère de fêtes du XVIIIe siècle que le génie français a trouvé une de ses plus parfaites expressions. La France a pu ainsi dominer l'Europe de toute sa civilisation : esprit, élégance, goût français.

Voici les évènements qui ont marqué particulièrement la période révolutionnaire à Irigny. Suivant un décret de l'Assemblée Constituante (qui n'exprimait pas d'intention anti-religieuse) on vendit les biens ecclésiastiques, ceux de l'Archevêché en 1791, ceux des Jésuites, missionnaires de Saint Lazare, Pères de l'Oratoire en 1796. Les biens de l'Hôtel-Dieu demeurèrent exclus de ces ventes. Mais des mesures de déchristianisation vinrent ensuite. Le culte religieux fut interrompu à Irigny du mois de frimaire an II au mois fructidor an III (novembre-décembre 1793 à août 1795). L'église fut transformée en Temple de la Raison. Les victimes de la Terreur se nommaient : l'abbé Simon de Cotton, ecclésiastique insermenté, guillotiné le 16 décembre 1793, Jean-Pierre Terrasse, seigneur d'Ivours, qui appartenait à l'armée lyonnaise pendant le siège, fusillé place des Terreaux le 26 novembre 1793, Alexis Delolle, homme de loi, secrétaire de la commission populaire, guillotiné le 17 février 1794.

Après les 23 ans de guerre de la Révolution et de l'Empire (1792-1815) l'abdication de Fontainebleau d'abord, la défaite de Waterloo ensuite, ouvrirent la route du territoire Français aux armées de l'Etranger coalisé. Irigny comme les communes voisines subit l'occupation autrichienne. On peut penser que Hue de la Blanche, propriétaire du château de Montcorin, maire d'Irigny à l'époque, rendit plus acceptables les exigences des occupants. En effet, ayant été ambassadeur à Vienne (Autriche) il parlait couramment leur langue.

Les hommes qui assurèrent l'administration municipale d'Irigny pendant la période révolutionnaire furent d'ordinaire choisis parmi les propriétaires de la commune (les bourgeois autrefois exclus des assemblées municipales y jouèrent un rôle de plus en plus important) et il semble que, quelle que soit la cocarde qu'ils aient arborée, leur souci a été surtout de limiter le désordre et d'éviter à leurs compatriotes les mesures rigoureuses et arbitraires des lois. On ne sent pas que des divisions politiques aient opposé l'une à l'autre les municipalités qui se succèdent. Certains de ces élus jouèrent un rôle particulièrement long. Pierre Guillot, qui avait été maire en 1792 et pendant la période du "Terrorisme", appartint également encore à la municipalité qui, le 18 brumaire an 10 (9 novembre 1801), à l'occasion de la fête de la Paix, exprima "les témoignages universels de la reconnaissance qui est due au gouvernement". C'est-à-dire Bonaparte, premier Consul. Il faut considérer que ces hommes, sans se contredire, ont cherché à travers différents régimes, à établir l'ordre et à assurer la prospérité du village.

Sous la restauration, en juin 1817, une prétendue conspiration bonapartiste organisée par des agents provocateurs causa quelques troubles à Irigny et dans les villages voisins. Chez nos compatriotes, l'animation des esprits se prolongea. Le Maire d'Irigny Hue de la Blanche, propriétaire du Château de Montcorin, fut destitué et le Curé, l'abbé Rivière, dût quitter la paroisse.

Le XIXe siècle vit à la fois le développement de l'agriculture et le relèvement de nos industries. Les rapports devenaient plus nécessaires que jamais entre la campagne et la ville. Ce fut le début du chemin de fer de Lyon à Saint Étienne. Les voitures, par mesure d'économie, furent trainées par des chevaux qui faisaient en cinq heures le parcours St. Étienne - Lyon. On arrêtait alors les voyageurs vers l'ancien port. En 1838, la traction mécanique assurait seule le service entre Rive-de-Gier et Lyon. La station d'Irigny fut d'abord supprimée, on la rétablie ensuite vers la halte de Celettes, puis vers le château d'eau (au-dessus du petit pont de la Damette) et finalement, en 1849 à l'emplacement actuel (9).

Et pour finir, en se rapprochant de la période contemporaine, on se doit de rappeler qu'en 1878 Dorothée Marie Petit, baronne du Bord, légua près de trois millions à la commune d'Irigny pour établir un hospice de vieillards. La commune d'Irigny, reconnaissante, a pris pour armoiries les "Armes des Chanssièrgues" que la bienfaitrice avait reçues de son mari. Comme on a pu le voir, notre histoire locale est très proche de l'Histoire de France, elle se confond souvent avec elle. C'est dire que nos ancêtres ont ressenti les joies et les malheurs du Pays. Ils ont été solidaires les uns des autres, chacun à leur place, à quelque classe qu'ile appartenaient, hommes du peuple, gens d'église, nobles ou bourgeois. Dans l'élan de leurs cœurs, dans la peine, dans les larmes, dans la joie aussi ils ont été les artisans de notre grandeur nationale, de la Civilisation qu'ils nous ont léguée en héritage et que nous devons transmettre à d'autres après nous.

N'oublions pas ces ancêtres. Cette présence invisible et continue de ceux qui nous ont devancé, cet appel qui semble naître de leur silence, cette garde qu'ile montent à nos côtés, c'est peut-être une des plus grandes forces dont nous disposons quand il s'agit pour nous de suivre, au milieu des incertitudes et des difficultés de la vie, notre vocation de Français.

»

Louis Dunand - 1960

 

 

(1) Devenu Yvours. Cet élément n'est plus visible actuellement, les fossé ont été comblés au début des années 90.

(2) Devenu Selettes

(3) L'une des deux tours abrite la bibliothèque municipale.

(4) Dans cette seconde moitié du XVIIe siècle, furent construit à Irigny : le Château de Montcorin 1646, Le Château de la Damette 1680, L'église 1689-1700, le Château d'Yvours fin XVIIe, le Château de la Combe fin XVII° début XVIIIe.

(5) Maison des champs.

(6) Devenu Venières.

(7) On ne sait, encore aujourd'hui, situer avec précision l'emplacement de l'ancienne église.

(8) Le 1er janvier 1949 une violente tempête abat le campanile du clocher sur la nef de l'église, une heure après la fin de l'office. On ne déplorera, heureusement, aucune victime.

(9) Au Vieux Port, en face de l'intersection rue du Puits du Monde et D315. Cette gare a été démolie en 1992.