Le Rhône à Irigny

le rhone Irigny 

 

Aux temps anciens, le fleuve occupe pratiquement toute la vallée. Il a un cours principal mais les eaux circulent aussi par des bras secondaires et des bras morts entre de nombreuses îles que chaque crue importante déplace. Elles changent de forme et de place.

Ces modifications de la géographie sont source d'incessantes contestations des lignes de propriété. Des procès où se manifeste parfois de la mauvaise foi évidente ont lieu.

Sous l'ancien régime, les îles du Rhône "les Brotteaux" appartiennent à l'Archevêque de Lyon.

Depuis la fin du XVIIIe siècle, les terres inondables sont du domaine de la navigation, les terres insubmersibles ont le statut de propriété privées.

 

La "Remonte du Rhône".

Les chemins de halage.

Pour remonter le fleuve, les bateaux étaient halés par des équipages de chevaux, ils suivaient la rive gauche.

"le convoi était composé de dix à vingt barques, tirées par quarante, soixante, jusqu'à quatre vingt dix chevaux"

Feyzin au passé simple de G.Saunier.

 

Cette chaussée constitue déjà une régularisation de la rive gauche du fleuve.

 

La ligne de chemin de fer.

Construite en 1826 à travers les brotteaux elle modifie leur configuration, faisant obstacle au passage du courant pendant les crues. Toute la partie située entre les balmes et le ballast est stabilisé tout en restant inondable.

(Les balmes sont les terrains en pente entre le Rhône et le plateau).

 

Les aménagements du Rhône.

Au début du XIXe siècle.

Vers 1836, construction d'une digue sur la rive gauche à Feyzin.

Elle éloigne le cours principal des balmes et permet l'ensablement des bras morts de la rive gauche. Les Irignois s'en inquiètent car le fleuve est déporté de leur côté et "mange" leurs îles.

 

Vers 1860/1880.

Le service de la navigation entreprend une régulation du fleuve de Lyon jusqu'à la mer et réalise un véritable endiguement sur les deux rives selon la technique de Girardon : elle consiste à construire des digues longitudinales et des épis perpendiculaires au courant de part et d'autre du fleuve, destinés à retenir les alluvions.

Ces ouvrages recentrent le cours du fleuve, les eaux creusent le lit permettant le passage en toute saison de bateaux à fort tirant d'eau.

A cause de ces digues, les bras secondaires s'ensablent et les îles se rattachent au pied des balmes.

 

De 1962 à 1965.

Construction du barrage de Pierre-Bénite par la Compagnie Nationale du Rhône. Il se situe en aval de la centrale hydro-électrique, a 156m de longueur et crée une retenue de 11 km sur le Rhône jusqu'au centre de Lyon. Il peut évacuer les grandes crues jusqu'à un débit de 7500m3/seconde.

Les eaux sont restituées au Rhône par le canal de fuite. Un faible débit est maintenu dans l'ancien lit. L'écluse permet aux bateaux de franchir la chute de niveau.

Les digues constituées de limons et d'alluvions prélevés sur le site permettent d'assurer une protection des riverains contre les risques d'inondation.

Cette dérivation du fleuve va priver le milieu végétal d'un débit permettant l'épanouissement de la végétation et de la faune.

 

Depuis 1995.

Un partenariat des communes riveraines avec le SMIRIL conduit à une réhabilitation des anciens bras du Rhône de Pierre-Bénite à Vernaison. 400 hectares sont concernés par le projet.

L'augmentation du débit dans le vieux Rhône a nécessité la construction d'une mini centrale à côté du barrage destinée à compenser la perte de production d'électricité.

Remises en eau, les lônes de Vernaison et d'Irigny accueilleront de nouveau des plantations d'espèces végétales terrestres et aquatiques afin de recréer un site naturel et des espaces de promenade.

 

La traversée du fleuve.

Les ports d'Irigny.

Jusqu'en 1880 environ, entre le pont de Vienne et celui de la Guillotière à Lyon, le passage se fait en barque. Il est très surveillé et soumis à péage.

Les trois ports d'Irigny sont : le vieux port, le port des Selettes, et le port d'Yvours (au pied du château).

En 1589, le Consulat de Lyon a chargé Philibert Genoud "d'aller aux ports de Pierre benoiste, Irigny, Verneyson et Grigny, pour faire remonter les bateaux contremont la rivière en cette ville (Lyon) afin d'empêcher le passage de ceux du Dauphiné qui tiennent le parti contraire"

Annales de Charly Louis Vignon Tome 1

Depuis le début du XVIIe siècle, on sait que les orangers et les statues achetés par Benjamin Damette pour sa maison des champs, lui sont livrés par bateaux au vieux port.

En 1813, Barthélémy Bouillon, agriculteur Irignois, dit "avoir mené 3 berielles de vin au port d'Irigny pour Miribel"

Dès le début du XIXe siècle, le bac à traille du port des Selettes fonctionne, il va être l'indispensable liaison pour les nombreux Irignois travaillant dans les usines de St. Fons ou de Feyzin. Le passeur est le pontonnier. Le Conseil Municipal fixe les tarifs du passage.

Le pont de Vernaison et la généralisation des voitures rend la traille moins utile. Le service s'arrête en 1962.

 

La vie sur la rive Irignoise.

Les vestiges Gallo-romains.

Les plus anciens témoins que nous ayons d'une occupation humaine sur Irigny ont été trouvés sur les bords du Rhône, en particulier aux Selettes, dans la carrière du Diable, en 1909 par Hector Brunat. Divers objets, monnaies, poteries, médailles et squelettes témoignant de cette présence, ont été trouvés par l'exploitant de la carrière.

Les brotteaux.

On appelle "brotteaux" les terres mouvantes déposées par le fleuve. Leur propriété ne cessera de faire l'objet de litiges entre les Irignois. Ils sont en effet source de revenus pour celui qui les possède.

Les pâturages.

Depuis le moyen-âge et jusqu'au milieu du XXe siècle, les brotteaux servent de terrains de pâtures communaux aux Irignois. Ils ont acheté à l'archevêque de Lyon au XVe siècle les droits d'usages sur une partie des îles. Les vassaux tenant le reste des îles s'en réservent l'usage, ils y autorisent la pâture moyennant le paiement d'une taxe dite de "champéage". Faute de clôture, les bêtes passent d'une île à l'autre, le seigneur les fait saisir et les emprisonnent jusqu'au paiement d'une amende.

Le berger communal fait le tour du village, rassemble les bêtes au son de la corne et les conduit au pâturage, il les ramène le soir. La commune perçoit, en 1943, 5 F/an par vache, 2 F par chèvre.

La chasse.

Une transaction de la fin du XVIIe siècle précise que les habitants peuvent chasser uniquement dans la partie dont ils sont tenanciers "à l'arbalète et chien courant et non autrement" mais les seigneurs ont droit de chasse sur toutes les îles et de toutes les "manières de chasse".

Les coupes de bois ou "droit d'affouage".

Sur les brotteaux communaux la municipalité organise chaque année une coupe de bois pour le chauffage. Tous propriétaires… tous manants et habitants ayant feu et compris dans les contributions foncières peuvent prétendre à cette répartition du bois de chauffage. Les journées de coupe sont réglementées, des parts égales sont attribuées à tous les participants et aussi aux veuves, aux invalides. On replante en prévision des coupes à venir.

Encore active dans les années 39/45 la coupe tombe en désuétude et prend fin avec la transformation des brotteaux en zone industrielle vers 1970.

Bateau moulin Vernaison

Bateau-moulin à Vernaison (fin XIX°)

 

Les loisirs au bord du Rhône.

Les cafés.

Nous connaissons en 1838 l'auberge Chevrot aux Sellettes. Un autre café existait au vieux port : le café Crozat.

La belle époque de ces cafés se situe entre 1900 et 1950, "Le Bien-être", "le Café de la marine", "Le Palais d'Été", "le Rendez-vous des Pêcheurs" aux Sellettes, le café Crozat au vieux port ont été les lieux de convivialité et de promenade des Irignois, on y mangeait la friture, alors pêchée sur place, on y buvait le vin "guinguet". Les cartes postales sont les archives de leur histoire.

La pêche.

Elle fut de tous temps l'affaire des "pirates" et des braconniers. Exerçant un autre métier, mais tenus par la passion de la pêche, ils complètent leurs revenus par ce commerce parallèle qui fait le bonheur des maîtresses de maison.

Elle fut aussi une source de revenus pour la commune qui alloue des droits de pêche dans la "lône" et dans la "gravière du brotteau" creusée dans les terrains communaux en aval de l'arsenal.

Les baignades…et les noyades.

Des générations d'Irignois se sont baignées dans les îles et les lônes du Rhône. Depuis les années 30, de préférence au"7ème barrage", en fait un épis "Girardon" réaménagé vers 1950 et agrémenté d'un plongeoir maçonné, jusqu'à l'assèchement de la lône lors de la construction du barrage de Pierre-Bénite. La digue et le plongeoir ont été réhabilités dans le cadre du réaménagement actuel.

Les registres de décès depuis le XVIIIe siècle, mentionnent chaque année l'inhumation de noyés, découverts le long des berges d'Irigny. Le N° 499 du "Petit Parisien" du 28 août 1898 relate le chavirage d'une barque de dix personnes au milieu du fleuve, sept périrent noyés.

 

Les premières industries.

Les moulins.

Des moulins sont en activité dès le XIVe siècle sur la rivière La Mouche. Le moulin de Cachinet situé à son embouchure sur le Rhône est encore en activité en 1813. La famille de Sarron a un moulin sur le ruisseau de Venière aux Selettes. Sur le fleuve on utilise des moulins-bateaux qu'on déplace suivant les variations de profondeur.

Des plantations d'oseraies affermées sur l'île des acacias sont mentionnées en 1861.

Les carrières, les gravières.

Les sables et graviers que le fleuve a accumulés dans son lit sont des matériaux recherchés.

Les gravières sont exploitées de façon intense dans toute la région dès le XVIIIe siècle. Sur Irigny, celle de la Luminaire au Vieux Port, Celle du sieur de Carmagnac à Selettes. Elles seront comblées au XXe siècle.

Aux Selettes la carrière du Diable est exploitée en 1862. Un tunnel sous la voie ferrée permet d'accéder directement à la rive pour charger les péniches. Elle est fermée en 1940.

On ouvre des carrières occasionnelles sur les balmes, celle du domaine Leblanc pour les forts, une autre à côté du château de Méan.

L'entreprise Champétinaud a sa carrière de sable à Selettes.

Les usines.

En 1917, 7 hectares et demi de brotteaux à Yvours sont cédés à la société "L'Air Liquide" qui les occupe encore. 

La société d'Hydrogénation s'installe à côté, elle fabrique du gaz ypérite pour la défense nationale. A sa suite s'installe en 1926 la société Néo-soie/Néo-laine.

En 1939 l'armée implante dans les locaux de Néo-soie/Néo-laine "l'Atelier de construction d'Irigny", appelé "l'Arsenal".

Il sera pris en charge en 1969 par la S.M.I. filiale de la Régie Renault qui délocalise ses activités de décolletage.

En 1991 le groupe japonais KOYO entre dans le capital de la SMI et l'absorbe.

Dans les années 1970, l'ensemble des Brotteaux, d'Yvours au Vieux Port devient zone industrielle. L'apport important d'entreprises moyennes et de service se traduit par des embauches d'Irignois et participe à la prospérité de la commune.

Irigny rond point Bernard Clavel

Irigny rond-point Bernard Clavel

 

Comment parler du Rhône sans évoquer le célèbre écrivain (Vorgines/Pirates du Rhône - Le Seigneur du Fleuve - La Guinguette…)