La Combe - les amants d'Irigny

 les  amants d Irigny 

Thérèse et Faldoni

Lui : Gian FALDONI, bel Italien de 32 ans, haut de 6 pieds (1 pied = 0.3248m). Il loge à LYON, rue de l’Arbre Sec. Né à Livourne le 6 janvier 1739, son père Andréa, Maître d’armes lui a si bien enseigné l’art de l’épée qu’il devient rapidement un redoutable escrimeur. Devant toute la cour, à Versailles, il triomphe de Joseph de Bologne, chevalier de Saint George, qui était une véritable star. La gloire du chevalier retentit sur son vainqueur et en fait une célébrité.

Elle : Thérèse Lortet, belle, romantique a 19 ans, et vit chez ses parents. Ils tiennent l’auberge de Notre-Dame de la Pitié, rue Sirène dans l’actuel quartier de la rue Edouard Herriot. Jean-Jacques Rousseau est leur client depuis 1732.

De la rue Sirène à la rue de l’Arbre Sec, il n’y a qu’une portée de flèche, et Cupidon a fait mouche.

Faldoni exerce une véritable fascination sur Thérèse. Elle voit en lui le héros des romans qu’elle affectionne, elle a lu « La Nouvelle Héloïse ». Elle est éblouie par l’éclat, le brio et les riches vêtements du personnage, rapportés de la Cour de Versailles.

Ils vivent leur passion. Mais le père de Thérèse nourrissant d’autres projets pour sa fille, s’oppose à toute idée de mariage. Dans le même temps, Faldoni, à la suite d’un violent effort, est victime d’un accident vasculaire. Le pronostic des chirurgiens augure une fin prochaine.

Les deux amants sont au désespoir. Faldoni ne peut se résoudre à l’idée qu’après lui, Thérèse appartienne à un autre. Thérèse jure qu’elle ne lui survivra pas.

Ne pouvant vivre, l’un sans l’autre, ils décident d’un commun accord de mettre un terme à cette existence qui ne peut satisfaire leur passion.

Thérèse obtient de ses parents l’autorisation d’aller calmer sa peine dans leur résidence d’Irigny. Cette résidence, propriété des Jésuites est louée à la famille Lortet.

Le 30 juin 1770, Faldoni la rejoint, porteur de deux pistolets. Ils éloignent les domestiques, s’enferment dans la chapelle, et là actionnent un système de rubans attaché aux détentes des deux armes, et se donnent mutuellement la mort.

Ce double meurtre fait sensation dans toute la région, Thérèse et sa famille sont connues, ils sont propriétaires de quelques domaines. Mais le retentissement dépasse le contexte régional, pour atteindre Versailles puis tout le pays.Très vite on parle « des  Amants d’Irigny ».

 

Jean-Jacques Rousseau connaît Thérèse. Il est là le jour du drame. Il rédige l’épitaphe suivante :

« Ci-gisent deux amants, l’un pour l’autre ils vécurent L’un pour l’autre ils sont morts et les lois en murmurent La simple pitié n’y trouve qu’un forfait Le sentiment admire et la raison se tait. »

Voltaire dans son château de Fernay est très impressionné par le drame. Dans son dictionnaire philosophique, à la suite de « de Caton et du suicide » il ajoute un chapitre : 

« Précis de quelques suicides singuliers »

« Voici le plus fort de tous les suicides. Il vient de s’exécuter à Lyon( là, Voltaire commet une erreur - NDLR), au mois de juin 1770.

Un jeune homme très connu, beau, bien fait, aimable, plein de talents, est amoureux d’une jeune fille que les parents ne veulent point lui donner. Jusqu’ici ce n’est que la première scène d’une comédie, amis l’étonnante tragédie va suivre.

L’amant se rompt une veine par un effort. Les chirurgiens lui disent qu’il n’y a point de remède : sa maîtresse lui donne rendez-vous avec deux pistolets et deux poignards afin que, si les pistolets manquent leur coup, les deux poignards servent à leur percer le cœur en même temps. Ils s’embrassent pour la dernière fois ; les détentes des pistolets étaient attachées à des rubans couleur de rose ; l’amant tient le ruban du pistolet de sa maîtresse ; elle tient le ruban du pistolet de son amant. Tous deux tirent à un signal donné, tous deux tombent au même moment.

La ville entière de Lyon en est témoin. Arrie et Pétus, vous en aviez donné l’exemple ; mais vous étiez condamnsé par un tyran, et l’amour seul a immolé ces deux victimes.»

Pascal de Lagouthe écrit un drame en 5 actes et en vers « sur la fin tragique de deux amants qui se tuèrent en 1770 dans une église de Lyon au pied de l’autel » (autre erreur de cet auteur – NDLR) ». Ce drame est joué à Paris et à Londres en 1776

Nicolas-Germain Léonard poète, publie en 1783 un ouvrage en 3 volumes « Lettres de deux amants habitants de Lyon, contenant l’histoire tragique de Thérèse et Faldoni ». L’œuvre a un bon succès et est même traduite en anglais

Jean-Baptiste Augustin Hapde (connu au théâtre sous le nom d’Augustin) écrit en 1809 (près de 40 ans plus tard !) un mélodrame en 3 actes : « Thérèse et Faldoni ou le délire d’amour » La pièce est créée au théâtre des Célestins à Lyon. Elle obtient un franc succès, et est reprise à l’Odéon de Paris en 1812 sous le titre «  Célestine et Faldoni ou les amants de Lyon » (toujours la même erreur ! NDLR)

Louis Marcellin de Fontanes, homme politique, poète et journaliste, futur ami de Chateaubriand écrit en 1792 :

« Thérèse et Faldoni ! Vivez dans la mémoire
Les vers doivent aussi consacrer votre histoire
Héloïse, Abélard, ces illustres époux
Furent-ils plus touchants, aimaient-ils mieux que vous ?
Comme eux, l’amour en deuil à jamais vous regrette ;
Qu’il console votre ombre, et vous donne un poète. » 

 

La famille Lortet était lyonnaise et connue à Lyon et vraisemblablement dans les environs, mais n’avait certainement pas une renommée justifiant un tel écho, qui dépasse largement Lyon et ses environs.

A cette époque les Français : Chevalier de Saint George, Chevalier d’Eon, l’Anglais Henry Angélo, l’Italien Gian Faldoni, sont les quatre meilleures épées d’Europe.

Le Chevalier de Saint George est né le 25 décembre 1745 à Basse-Terre en Guadeloupe de Georges Bologne, riche planteur et Anne surnommée Nanon une jeune esclave noire.

Il rayonne d’un éclat particulier. Brillant escrimeur, violoniste, claveciniste, compositeur important, il est admis que Mozart fut influencé par sa musique.

Sportif, il traversait la Seine en ne nageant que d’un bras. Patineur adroit. Habile danseur.

Grand séducteur, il est appelé « Le Don Juan Noir ». Tous les talents, une position à la Cour, son père est « Gentilhomme ordinaire de la chambre du Roi ».

Or après avoir refusé, dans un premier temps d’affronter Gian Faldoni, le Chevalier de Saint George accepte finalement la rencontre. C’est un assaut public, le 8 septembre 1766. Pour Saint George, il faut empêcher Faldoni de retourner en Italie avec une réputation d’invincibilité.

A l’issue du combat, Henry Angélo affirme que c’est l’Italien qui a pris le meilleur, et Faldoni écrit à son père :

« J’ai enfin livré hier le dernier de mes assauts à Paris avec le premier tireur de France et force m’est d’admettre que je ne pense pas qu’il existe, à l’heure actuelle, un tireur d’une force comparable. Mais le succès que j’ai remporté a été si brillant et total à souhait… »

Il est bien évident qu’un tel exploit sert la notoriété de Faldoni et le couvre de gloire.

Celui qui, quatre années après, meurt à Irigny, est celui qui a triomphé du Chevalier de Saint Georges, et l’on s’en souvient.